Déjeuner à la Table de Pavie – Yannick Alléno
Propriété de la famille Perse, La Table de Pavie du Chef Yannick Alléno a pour ambition de devenir une véritable référence gastronomique pour la région Bordelaise.
Avec une vue dominante sur la Cité, l’Hôtel de Pavie est une étape gastronomique incontournable de Saint-Emilion, excellence et prestige sont au rendez-vous dans cet établissement haut de gamme labellisé Relais & Châteaux.
En cuisine, Yannick Alléno fait confiance à un duo plein de talent: le Chef exécutif Sébastien Faramond au piano et Sébastien Nabaile assure la partition sucrée.
Depuis notre dernier passage l’été dernier, les cuisines ont été refaites à neuf. Quelques modifications au niveau de la Salle avec la création d’une superbe marqueterie incluant de nombreuses essences de bois mais aussi nacre, étain, et quelques autres matériaux. Sinon on garde la même déco, sobre, claire avec une belle hauteur sous plafond et le thème de la vigne présent par quelques touches discrètes.
La Table de Pavie met à l’honneur la région bordelaise et le sud-ouest en général. Yannick Alléno s’inspire de l’extraordinaire richesse de la région, puise dans la territorialité en favorisant les circuits courts, tout en la réinventant et la modernisant grâce à ses propres techniques.
Les Menus à La Table de Pavie:
Pour les Menus de la Table de Pavie, plusieurs choix sont proposés: 85 ou 115 € (uniquement pour le déjeuner), 180 €, ou 230 € (uniquement le soir) et aussi un joli choix à la Carte ce qui devient de plus en plus rare. Tous les détails ici.
Ce jour là, Sébastien Faramond et son équipe nous ont prévu un large éventail de plats ^^
On débute par un apéritif en terrasse et les mises en bouche:
Tartelette de sarrasin, mayonnaise de foie gras et extraction de shitakés ; brandade de morue à venir tartiner sur les petits pains maison en clin d’oeil à la fête de la morue de Bègles
Amuse-bouche: Pomme de terre soufflée gratins bordelais gel de sapin, bouillon de gratins bordelais à huile d’estragon
Pains maison, beurre doux barraté sur place et beurre parfumé à la fleur de sel infusée au vin rouge:
On retrouve ici tous les éléments de la traditionnelle garbure gasconne, mais modernisée à la manière Grand Chef ^^ avec une royale de haricots tarbais, une viennoise de Comté et la garbure liée au chou vert versée au moment. Superbe idée pour rester à fond dans le sud-ouest, excellent.
Une assiette que le Chef décline au fil des saisons avec un mix de légumes crus et cuits. On pense bien sûr dans l’esprit au célèbre gargouillou de Michel Bras ou à la salade de Kei mais gustativement c’est totalement différent.
Une trentaine d’ingrédients différents dont petits pois, asperges vertes et blanches qui ont fait l’objet de fermentation (on parle même d’asperges fossilisées), navet, céleri, feuille d’ail des ours, oxalis… mais aussi garriguettes, noix, noisettes… fermentation de betterave, gelée de céleri, huile d’ail des ours et lard de Bigorre. C’est frais, printanier, gourmand, un merveilleux voyage au pays de la « légumie ».
Sur une royale d’asperges, têtes d’asperges façon petits pois, toast au jus de viande, lard de Bigorre, et sauce poulette. Quelle merveille de goût! On n’est pas dans la démonstration mais à fond dans le goût et la gourmandise. Simple d’apparence, c’est une tuerie à la dégustation.
Attention, le bonheur est dans l’oeuf… et on va déclencher une avalanche de… caviar de la Maison Prunier à Montpon-Ménestérol.
L’oeuf est ici contisé au caviar et cresson, servi avec toast au beurre d’anguille et tombée de cresson. Ce plat est fabuleux, l’effet de surprise est garanti et on est ébloui par cette entrée d’une extrême finesse et remarquable d’exécution.
Pour parfaire l’ensemble, la sauce vient envelopper avec douceur le palais. Le vocabulaire a beau être dithyrambique, il n’est pas à hauteur du plat! Une bombe de gourmandise. Perso, j’aimerais bien connaître cette poule qui pond des oeufs au caviar ^^
Homard breton cuisiné à la bordelaise, sauce au vin blanc des Graves, estragon et baies de genièvre. Pince gratinée, moelle et corail. On retrouve un des éléments que Yannick Alléno adore travailler, à savoir la moelle de boeuf qui garanti une rondeur en bouche exceptionnelle. Un plat magistral, savoureux, parfait.
Langoustine pochée, graines de vanille civet de tête à l’Esprit de Pavie, caviar « Prunier » Osciètre de Gironde
Langoustine piquée de vanille cuite au naturel, déposée sur une sauce civet au vin de Pavie, les pinces et caviar. Pour bien saucer, un pain à la lie de vin et aux fruits secs. Et là encore, le caviar n’est pas mis en avant visuellement, mais fait partie des magnifiques surprises à la dégustation. Top!
Quoi de mieux que la lamproie pour représenter le terroir bordelais? la saison est très courte et c’est bien dommage car cette interprétation est vraiment de haut vol.
Dans une pâte à croissant légère, le Chef a déposé une tombée de jeunes poireaux, lamelles de foie gras et la lamproie ; sur le dessus, toujours dans une pâte à croissant, la sanguette. L’ensemble est servi avec une sauce vin rouge esprit de Pavie. Tout est cohérent, plein de bon sens et rudement efficace. Bravo Chef!
Noix de ris de veau rôtie, croustillante, contisée à l’anguille fumée. Côté fumé et gourmand, quenelle d’herbes, tombée de cresson et levure séchée. Des parfums herbacés bien présents, estragon, épinards, oseille, aneth, renforcés par un soupçon d’anchois fumé qui donne encore plus de relief. Le savoureux jus de veau vient faire la liaison, une superbe création où tout est superbement maîtrisé.
Le pigeon de Madame Le Guen… façon ortolan:
Façon ortolan… pour ceux qui connaissent la tradition, à défaut de mettre la serviette sur la tête, à La Table de Pavie on cache le client derrière une serviette ^^
Air pigeon, bête soufflée et rôtie au feu d’enfer, bec façon Ortolan, filet au jus de presse en amertume d’oseille purée salie selon « ZELIE », feuille de shiso en tempura
Cette technique du Chef consiste à insuffler de l’air entre la chair et la peau du pigeon, et ce pigeon va être suspendu au dessus d’une casserole d’huile bouillante. Il sera ensuite régulièrement arrosé de cette huile chaude pour chauffer l’air confiné entre la chair et la peau. Cet air chaud va suffire pour cuire les filets de pigeon. Les aiguillettes seront ainsi cuites mais garderont une couleur très rouge. Le résultat est une texture incroyable, époustouflante… tendre comme du beurre! Un plat absolument fabuleux.
Servi avec une morille farcie et une purée de pommes de terres nappée d’un mélange crispy d’échalotes frites et peaux de pigeon.
Fromages:
Transition vers le sucré:
Sorbet à la goyave du Brésil (en provenance de Château Pavie), meringue pollen, extraction faite avec les coques des goyaves et miel de Château Pavie.
Les desserts du Chef Pâtissier Sébastien Nabaile:
Retour de traite de la laiterie Van Der Horst textures du lait, fromage frais, thé de luzerne des pâturages
Un dessert qui retrace l’histoire d’une visite à la ferme avec le seau de lait encore tout chaud… tome fraîche, glace, goût fermier, mousse de lait, confiture de lait, un peu de thym citron, gel à la main de Buddha au vinaigre pour réveiller l’ensemble et donner un peu d’acidité. Pour parfaire le clin d’oeil fermier, le dessert est servi avec un bouillon de luzerne, l’herbe nourricière des vaches de la ferme à la manière d’un thé. Un dessert surprenant, audacieux et tellement réussi!
Sorbet « Super G », Gin Moon Harbour gelée belle-rose, herbes cristal
Un autre dessert cher à l’histoire de Pavie et ses producteurs avec la Pomme Granny Smith (pour la petite histoire, le 1er job de Mr Perse était de faire briller les pommes au marché), gelée de pomme, huile de feuilles de citronnier de Château Pavie, pomme confite à la vanille, citron noir d’Iran.
Splendide en textures et en goût!
«Esprit » d’une soupe de fraises Bordelaise, Crème fermière, mélasse au Pineau des Charentes
Soupe de fraises infusées au vin Esprit de Pavie, mousse, crème fermière, infusion d’huile à la verveine, herbes et fleurs, mélasse de pineau. On oscille entre rondeur, fraîcheur et légère acidité, très joli dessert.
Pailles feuilletées au chocolat cuites sur un pavé du village, délicate gelée au Paradis, glace à l’orge
Un dessert lié à la vigne via les sarments… Le Chef nous explique que les sarments de vigne ont été fortement torréfiés avec du cognac et de l’eau sous-vide, et cette base liquide a ensuite été gélifiée. Torréfaction également pour l’orge maltais qui sera utilisé pour la glace, suc de champignon, raisins au cognac ; feuilletage cacao à la fleur de sel pour les pailles croustillantes qui viennent ajouter un croustillant à l’ensemble. Un dessert puissant, gourmand, difficile à prendre en photos, mais une merveille à déguster.
Infusions d’herbes fraîches et mignardises en compagnie des Chefs:
Et quelques photos dans les cuisines flambant neuves:
En plus de la qualité et de l’excellence des mets servis à La Table de Pavie, on peut également souligner la perfection du service, la cadence métronomique tout au long du repas, et toujours la bienveillance et l’efficacité de Guillaume Bouillier en Maître d’Hôtel et Benoît Gélin en sommellerie.
Avec un style de cuisine unique fortement axé sur un terroir spécifique, l’objectif de la 3ème étoile clairement affichée semble parfaitement accessible vu le niveau d’excellence proposé.
On y croit, ce serait fort pour la région, une telle récompense pour La Table de Pavie serait un magnifique avènement pour cette magnifique Maison de la famille Perse.